La première décennie du XXIe siècle se cale parfaitement dans le sillage des années 1990 du précédent. Les techniques majeures sont en place, le design maintient son exubérance et sa nécessité, et le contexte commercial confirme les tendances existantes.
En ce dĂ©but de siècle, la concurrence mondialisĂ©e comprime de plus en plus les prix. En entrĂ©e de gamme, un mitigeur est accessible Ă partir de 100 francs (15 euros)… Ces prix bas, qui cachent souvent des composants de qualitĂ© mĂ©diocre, ont des effets pervers : ils dĂ©valorisent le produit, perturbent la perception d’un consommateur qui ne peut comprendre la lĂ©gitimitĂ© d’Ă©carts aussi Ă©normes entre les diffĂ©rentes gammes. Photo ci-dessus : mitigeur cascade Massaud, Axor.
Deux prĂ©occupations animent particulièrement les fabricants leaders : les Ă©conomies d’eau et l’incidence des processus industriels sur l’environnement. Dès la fin des annĂ©es 1990, ces deux paramètres sont techniquement intĂ©grĂ©s. Ils se concrĂ©tisent au cours de la première dĂ©cennie du XXIe siècle. Photo ci-contre : mitigeur Supernova, Dornbracht.
Une conception Ă©cologique de la fabrication de la robinetterie sanitaire
L’acier inox poli, d’aspect, est dĂ©jĂ considĂ©rĂ© comme meilleur du point de vue de l’environnement, parce qu’il permet d’Ă©viter l’opĂ©ration de chromage des surfaces, assez polluante. Une Ă©tude menĂ©e par Hansgrohe/Axor pour comparer l’utilisation du matĂ©riau traditionnel, le laiton, avec celle de l’acier inox brossĂ©, met alors en Ă©vidence une rĂ©duction de l’ordre de 50 % des incidences sur l’environnement des phases de fabrication.
Cet avantage Ă©cologique rĂ©sulte de l’Ă©conomie des matĂ©riaux utilisĂ©s, de l’Ă©nergie et d’un gain rĂ©el en matière d’eutrophisation des nappes phrĂ©atiques et des cours d’eau. Se trouvaient Ă©galement conciliĂ©s ces avantages avec les Ă©conomies d’eau. Un fabricant rĂ©putĂ© pour la qualitĂ© de son design (Vola) utilisa pour un robinet de douche un alliage de cuivre et de mĂ©tal d’armement, ainsi qu’une cartouche de 28 mm de diamètre.
Le confort sur l’Ă©vier
Dans un logement, c’est le robinet d’Ă©vier qui est le plus sollicitĂ© : 80 manÅ“uvres ou plus par jour ! Il sera donc logiquement soignĂ© et a bĂ©nĂ©ficiĂ© de plusieurs innovations, dont le bec extractible pour en Ă©largir le rayon d’action.
Quelques exemples : les disques cĂ©ramique sont polis comme un miroir et revĂªtus d’un lubrifiant spĂ©cifique (Grohe), dont une partie est mise en rĂ©serve dans des « microchambres » mĂ©nagĂ©es dans la cartouche, dispositif qui en accroĂ®t la longĂ©vitĂ©. L’extrĂ©mitĂ© du bec est Ă©quipĂ©e d’aĂ©rateurs efficaces qui dĂ©terminent un jet calibrĂ© tout en Ă©conomisant la quantitĂ© d’eau utilisĂ©e. Dès 2002, Ideal Standard lance Clear Tap. Cette fois, il s’agit d’Ă©conomiser les bouteilles d’eau en plastique, l’eau courante ayant parfois mauvais goĂ»t (ajout de chlore) et, plus rarement, suspectĂ©e de comporter des traces de plomb. Clear Tap, Ă©quipĂ© d’un filtre indĂ©pendant, dĂ©livre une eau (froide) dĂ©pourvue de ces composants. L’Ă©lectronique intervient en indiquant le niveau du filtre par un affichage digital discret, en partie haute du bec.
L’Ă©lectronique devient… lumineuse !
DĂ©jĂ prĂ©sente dans la robinetterie sans contact avec capteur IR, l’Ă©lectronique s’impose sur toute la chaĂ®ne, de la conception Ă l’utilisation finale. Ainsi, les fabricants utilise la CAO pour mettre au point l’outillage de leurs nouvelles collections, la DAO pour leur design, la robotisation pour plusieurs phases de production. Le conditionnement et la distribution font Ă©galement appel Ă l’Ă©lectronique.
Un autre aspect des technologies modernes apparaĂ®t sur les robinetteries, dĂ©jĂ bĂ©nĂ©ficiaires des LEDS et de l’affichage digital : la fibre optique. Celle-ci apporte la lumière et… la couleur. Ainsi, en 2002, Hansa lance un mitigeur (lavabo) au design surprenant, Hansa Canyon (photo ci-dessus), singularisĂ© par un bec rectiligne mais creusĂ© sur sa partie finale, faisant apparaĂ®tre l’eau dĂ©livrĂ©e illuminĂ©e et colorĂ©e par la fibre optique.
Cette technologie autorise l’usage de plusieurs couleurs. Elle seront utilisĂ©es Ă divers propos. Tout d’abord pour visualiser la tempĂ©rature de l’eau : bleue quand elle est froide, et passant au rouge quand elle est chaude. Ensuite, pour l’agrĂ©ment et ce qu’on nomme improprement « chromothĂ©rapie ». C’est-Ă -dire l’effet psychologique des couleurs et de leurs propriĂ©tĂ©s sur l’organisme. Des applications concernant essentiellement le bain (balnĂ©o ou hydromassage) et la douche, avec des rĂ©sultats confirmĂ©s… Ă condition d’y croire.
Les directions du design
L’intense crĂ©ativitĂ© manifestĂ©e au cours des annĂ©es 1980 et 1990 va se poursuivre au dĂ©but des annĂ©es 2000. Les amĂ©liorations apportĂ©es aux diffĂ©rentes Ă©tapes de la fabrication favorisent les audaces des designers, dĂ©sormais consultĂ©s en amont du projet. Les crĂ©ations se sont diversifiĂ©es et peuvent Ăªtre rĂ©sumĂ©es dans cinq tendances ou styles (photo ci-contre : mitigeur Isy de Zucchetti, design Matteo Thun et Antonio Rodriguez) :
→ le minimalisme : courant majoritaire initiĂ© après le lancement de la ligne Starck qui en est l’archĂ©type, il recherche une simplicitĂ© gĂ©omĂ©trique maximale, dont les lignes Ă©purĂ©es empruntent Ă la courbe plus souvent qu’à la ligne droite,
→ le sculptural : la forme s’Ă©loigne du minimalisme selon l’inspiration du designer (minĂ©rale, vĂ©gĂ©tale, zoomorphe … ) pour s’apparenter Ă une vĂ©ritable sculpture (photo ci-contre : mitigeur Bloom d’Armando Vicario),
→ l’industriel : la rĂ©cupĂ©ration d’objets ayant appartenu Ă l’univers de l’usine ou de l’atelier est ici utilisĂ©e plus pour l’originalitĂ© que pour l’esthĂ©tique,
→ le rĂ©tro : il ne s’agit plus d’inventer une forme, mais de rĂ©pliquer avec exactitude des modèles appartenant en majoritĂ© aux annĂ©es 1900 ou 1930, mais dotĂ©s des innovations techniques les plus rĂ©centes,
→ l’intemporel : c’est un compromis entre le rĂ©tro et l’actuel, soit un rappel très lĂ©ger d’une ligne ancienne, soit un design contemporain modĂ©rĂ©, presque « classique ». L’objectif est d’Ă©chapper aux effets de mode, autorisant une commercialisation durable.
La conception de la douche Ă©volue
C’est incontestablement la partie « douche » de la salle de bains qui va Ă©voluer, et le plus rapidement. A la douche traditionnelle (receveur cĂ©ramique et parois en verre synthĂ©tique) se sont ajoutĂ©es les cabines multifonctions (ou multijets), les colonnes de douche, des parois en verre transparent montĂ©es sur des receveurs de plus en plus minces. Cette Ă©volution s’explique par un retard d’Ă©quipement et le remplacement de plus en plus frĂ©quent de la baignoire par un espace douche. Photo ci-contre : douche Rapsel et son rideau, design Matteo Thun.
La robinetterie de douche accompagne ces changements. Si l’Ă©lĂ©ment principal, le thermostatique (devenu indispensable), est parfaitement au point, il va recevoir l’apport de l’Ă©lectronique et des performances de ses prolongements, Ă savoir la douchette manuelle et la pomme de tĂªte fixe qui vont prendre des dimensions et des capacitĂ©s inĂ©dites.
Un exemple : en 2000, le fabricant germanique Dornbracht lance Rain Sky (Ciel de Pluie). Cet ensemble se compose d’un large module en acier, carrĂ© ou rectangulaire, installĂ© Ă fleur de plafond, dont les jets multiples sont commandĂ©s par un thermostatique mural encastrĂ© Ă touches digitales. Cette commande permet de disposer au choix de 3 jets pluie (large ou concentrĂ©) Ă©clairĂ©s, et d’une fonction « brumisation ». Un must.
La douchette Ă main : un complexe technique
L’ergonomie intervient dès sa conception pour dĂ©finir le meilleur angle reliant la poignĂ©e Ă la pomme de douche, et l’optimalitĂ© des conduites intĂ©rieure, du nombre d’orifices et de leur position. Les matĂ©riaux utilisĂ©s composent une « barrière thermique » entre l’eau chaude et la surface, pour le confort d’utilisation. Les orifices apparents ou buses bĂ©nĂ©ficient d’un silicone bicomposant, ce qui permet, d’un coup de chiffon, d’Ă©liminer les dĂ©pĂ´ts de tartre.
L’intĂ©rieur du pommeau est une minuscule usine produisant cinq jets diffĂ©rents :
→ normal (ou pluie) utilisant la totalité des buses (de 18 à plus de 72…) ;
→ soft (ou perlant) obtenu par une chambre de mĂ©lange ou l’eau est « cassĂ©e » et enrichie d’air ;
→ massage (puissant et pulsant) produit dans les chambres d’un rotor oĂ¹ l’eau est comprimĂ©e puis expulsĂ©e par intervalles ;
→ turbo (puissant et concentré) délivré par une ouverture centrale plus large ;
→ caresse (jet doux en spirale) obtenu au moyen d’une roue de turbine dont les canaux s’ouvrent et se ferment alternativement.
Toutes les douchettes à main ne disposent pas de cinq jets, mais on mesure ici la remarquable avancée technique du produit, dont les prix restent abordables.
Réduire, agrandir, élargir, économiser, singulariser…
Pour affiner les lignes des robinetteries, la taille des cartouches cĂ©ramique se rĂ©duit Ă un diamètre de 28 mm, et mĂªme 25 mm. Il serait possible de faire moins, mais il faut tenir compte de la tuyauterie interne.
En gĂ©nĂ©ral, la forme de la sortie d’eau est circulaire, mais les tendances linĂ©aires du design innovent avec des sorties rectangulaires, afin de dĂ©livrer un jet large et fin de type « cascade « ou « lame d’eau ». Le bec n’est plus rond, mais rectangulaire et très mince ; orifice qu’un designer n’hĂ©site pas Ă incorporer Ă une tablette, les commandes Ă©tant sĂ©parĂ©es (modèle Waterblade de Ritmonio, photo ci-contre). Ce type de robinetterie est une rĂ©ponse au besoin de singularitĂ© et, en isolant l’arrivĂ©e d’eau et son contrĂ´le, on peut « dĂ©porter » la commande.
A l’inverse, dans la douche, les pommes de tĂªte, dans le but de simuler une pluie tropicale, acquièrent des dimensions inusitĂ©es avec des diamètres de 40 ou 60 cm, et plus encore, accueillant plus de 250, voire 350 buses. Si ces pluies « tropicales » le sont un peu trop pour Ă©conomiser l’eau, il convient de relativiser leur diffusion, qui demeure restreinte. Au contraire, nombre d’amĂ©liorations contribuent aux Ă©conomies d’eau. La conception des cartouches intervient (butĂ©e d’ouverture de dĂ©bit, par exemple), mais ce sont les aĂ©rateurs qui, en bout de bec, limitent vĂ©ritablement le dĂ©bit. Ainsi, avec le Waterdimmer, Hansgrohe enrichit l’eau d’une quantitĂ© d’air optimale pour obtenir un dĂ©bit constant de 7,2 litres/minute seulement au lieu des 12 Ă 15 litres/min d’alors.
Des apports technologiques précis
Après les avancĂ©es fondamentales du XXe siècle, qui font de la robinetterie un symbole de la modernitĂ© des Ă©quipements domestiques et de l’hygiène, les innovations qui suivent, pour ne concerner que des dĂ©tails, n’en appartiennent pas moins Ă la haute technologie.
Avec l’emploi de l’acier, les finitions font l’objet de recherches et de soins particuliers pour dĂ©passer le classique chromage brillant, et aller vers d’autres effets visuels.
La marque Axor/Hansgrohe utilise ainsi (en 2006) le procĂ©dĂ© PVD ou « Physical Vapor Deposit ». La couche mĂ©tallique, très fine – un micron maximum – est appliquĂ©e dans une enceinte sous vide oĂ¹ une vapeur mĂ©tallique est produite Ă l’aide d’un arc Ă©lectrique et d’une plaque du mĂ©tal Ă appliquer. Ce procĂ©dĂ© assure un revĂªtement parfait, plus rĂ©sistant, quelle que soit la base : acier inox ou chrome.
Dans un autre domaine, celui de l’hygiène, ce mĂªme fabricant lance le premier flexible de douche antibactĂ©rien. A savoir, la combinaison d’un nouveau plastique avec un mĂ©lange de verre cĂ©ramique et d’ions d’argent, ces derniers Ă©tant rĂ©putĂ©s pour leur pouvoir antibactĂ©rien. Cette combinaison inĂ©dite agit autant Ă l’intĂ©rieur qu’Ă l’extĂ©rieur du flexible.
« Précédent |
SOMMAIRE DE L'ARTICLE
- Histoire de la robinetterie sanitaire, des origines Ă nos jours
- Histoire de la robinetterie, Ă©pisode 1 : des origines Ă l’AntiquitĂ©
- Histoire de la robinetterie, Ă©pisode 2 : le Moyen Ă‚ge et la Renaissance
- Histoire de la robinetterie, épisode 3 : les XVIIe et XVIIIe siècles
- Histoire de la robinetterie, épisode 4 : le XIXe siècle, de la Révolution au préfet Rambuteau
- Histoire de la robinetterie, épisode 5 : avec Belgrand, les robinets sont enfin alimentés
- Histoire de la robinetterie, Ă©pisode 6 : l’entre-deux-guerres et l’arrivĂ©e du robinet temporisĂ©
- Histoire de la robinetterie, Ă©pisode 7 : l’après-guerre et les Trente Glorieuses
- Histoire de la robinetterie sanitaire, épisode 8 : la monocommande et les années 1970-80
- Histoire de la robinetterie, épisode 9 : les années 1990, sous le signe du design
- Histoire de la robinetterie sanitaire en France, épisode 10 : les années 2000-2010