Bel objet en céramique, l’antique huzi est un vase… de nuit, réservé à la gent masculine. Il doit son nom à sa forme zoomorphe, son nom signifiant « petits tigres » en chinois, en clin d’œil à sa gueule béante qui invite à la miction.
A usage des hommes exclusivement, le huzi est un pot de chambre chinois. De par sa destination, il constitue en quelque sorte le pendant masculin du bourdalou français, cette pièce de porcelaine ou de faïence que les dames glissaient sous leur robe pour se soulager discrètement aux XVIIe et XVIIIe siècles et que l’on prend souvent pour une saucière sur les étals des brocantes.
Conçue pour soulager la vessie des hommes, la forme très particulière du Huzi est moins confusante, quoique certains musées le présentent parfois comme une pièce de vaisselle traditionnelle servant à contenir de l’alcool, son hygiénique destination pouvant encore faire débat : son large bec servait-il à verser des liquides ou plutôt à récolter l’urine en dirigeant son flux au travers ?
Pleine de fantaisie, la plastique du huzi est toujours sophistiquée. Le corps, la plupart du temps renflé, est celui d’un animal plus ou moins féroce, ce qui rajoute une dimension humoristique à son utilisation. Si les tigres, reconnaissables à leurs moustaches, sont légion, les artisans qui les ont façonnés dans l’argile et le grès, et plus exceptionnellement dans le bronze, ont pris soin d’ajouter des pattes et une queue, repliées sous le ventre. La croupe de l’animal peut être aplatie et non émaillée, sans doute pour permettre un stockage à la verticale, comme n’importe quel pichet. Sur certains modèles, un facétieux dragon s’enroule sur l’anse ou accueille au contraire un phacochère bondissant, livrant bataille avec une créature aux dents acérées…
Les plus anciens exemplaires connus sont antérieurs à la première dynastie impériale de Chine, dite Qin (221-207 av. J.-C.). Les archéologues en ont aussi notamment découvert dans de nombreuses tombes de la seconde moitié du IIIe siècle et de la première moitié du IVe siècle de l’Empire du Milieu. Cette association au rite funéraire confirme le caractère d’exception de ces créations, la plupart en grès porcelaineux à couverte céladon, aux reflets jaune-vert.
Dans les campagnes les plus reculées, où les installations sanitaires font encore parfois défaut, la fabrication de cet ustensile a perduré au fil des siècles, s’adaptant aux modes ou devenant même, ponctuellement, un objet satirique. Au milieu du XIXe siècle, Harry Smith Parkes, un diplomate britannique parachuté comme consul à Canton avait ainsi eu l’insigne honneur de voir son portrait orner l’un de ces vases de nuit, dans une charge féroce.
Photo d’ouverture : huzi en forme de tigre, céladon, Six Dynasties (220 – 589), Heritage Museum Sha Tin, Hong Kong (WikimediaCommons) ; huzi en forme de dragon, bronze, Liaoning Provincial Museum (WikimediaCommons) ; vase en forme de tigre accroupi, IIIe-Ve siècle, céladon (MET) ; huzi en forme de tigre, céladon, Dynasties du Sud, 500-589 CE, Victoria et Albert Museum, Londres (WikimediaCommons).
Photos ci-dessus : huzi, céladon (WikimediaCommons) ; urinoir en forme de tigre, glaçure bleue, royaume de Wu, musée national de Chine, (WikimediaCommons) ; huzi, céladon, période des Trois Royaumes, dynastie des Jin de l’Est (317-420) (WikimediaCommons) ; huzi en forme de tigre ailé, céladon, dynastie des Jin de l’Ouest (265-316) (WikimediaCommons) ; urinal coréen, semblable au huzi chinois, grès, royaume de Baekje, musée national de Buyeo (WikimediaCommons) ; vase zoomorphe, entre 300 et 316, grès incisé et glaçure, four de Yue, musée Cernuschi, musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris (CC0 Paris Musées) ; huzi, an 206, céladon, musée Cernuschi, musée des Arts de l’Asie de la Ville de Paris (CC0 Paris Musées) ; Huzi, céramique émaillée, dynastie des Wei de l’Est, musée de Shandong (WikimediaCommons) ; Huzi, céladon, dynastie des Jin de l’Ouest (265-316), musée de Guanddong (WikimediaCommons).